Monday, November 18, 2013

Parachat Vayéchev — Sortir de notre petit monde

Vers la fin de la paracha, Yossef HaTsadik se retrouve dans une situation désespérée, après dix ans de prison ferme, sans aucune libération en perspective. À ce moment, l’épisode de l’interprétation des rêves des ministres de Pharaon se déroule. C’est ainsi que débute son élévation soudaine jusqu’au poste de vice-roi sur toute l’Égypte. L’un des versets qui racontent la considérable amélioration de situation dans la vie de Yossef est facilement négligé. Après les rêves respectifs des deux ministres, ces derniers étaient très bouleversés, car ils n’en comprenaient pas le sens. En voyant leur mine défaite, Yossef demande : « Pourquoi semblez-vous abattus aujourd’hui ? » Cette question, apparemment sans importance entraîna l’interprétation des rêves puis la libération de Yossef et son ascension fulgurante au pouvoir. Si Yossef ne leur avait pas demandé la raison de leur désarroi, ils ne se seraient probablement jamais confiés à lui et la formidable opportunité qu’il soit libéré aurait été manquée. La petite prévenance de Yossef peut paraître insignifiante, mais il faut prendre en compte la situation dans laquelle il se trouvait à ce moment : il avait vécu dans des conditions épouvantables pendant dix ans, sans espoir réel de libération. Il aurait été compréhensible qu’il soit complètement absorbé par sa propre situation et qu’il ne remarque pas l’expression du visage des personnes qui l’entouraient. Qui plus est, il avait pour tâche de servir les deux ministres qui étaient des personnalités importantes en Mitsraïm – ceux-ci le considéraient certainement comme un subalterne et ne lui prêtaient absolument aucune attention. Pourtant, il mit ces éléments de côté et se soucia de leurs visages déprimés. Nous sommes tentés de vivre en nous focalisant sur nos propres vies au point que nous ne remarquons pas les besoins des autres. L’un des moyens de devenir un véritable baal ‘hessed (philanthrope) est de passer outre nos intérêts personnels et d’être attentif au monde qui nous entoure. Parfois, cela demande des concessions, de ne pas tenir compte de notre bien-être en faveur de celui des autres. L’exemple le plus remarquable se trouve un peu plus tôt, dans la paracha, lorsque Tamar est prise pour être amenée au bûcher. Elle avait toutes les chances d’avoir la vie sauve en montrant que les objets qu’elle détenait étaient ceux de Yéhouda. Néanmoins, elle se soucia plus de la gêne que cela aurait causé à Yéhouda si elle le faisait et garda donc le silence . La guemara déduit de cet incident qu’il vaut mieux se laisser mourir plutôt que de mettre quelqu’un dans l’embarras . Rabbénou Yona et Tosfot affirment que telle est la halakha (loi juive) ! Cela nous enseigne que parfois, nous sommes obligés de donner priorité aux sentiments d’autrui plutôt qu’aux nôtres. Les guedolim (grandes figures en Thora) incarnent parfaitement cette capacité de réduire à néant leurs propres besoins et à se concentrer sur ceux des autres. Le rav Moché Feinstein zatsal fut conduit en voiture par un jeune homme de sa yéchiva. Alors qu’il entrait dans la voiture, le ba’hour ferma la porte sur les doigts du rav, qui resta malgré tout silencieux, comme si rien ne s’était passé. Un spectateur abasourdi lui demanda pourquoi il n’avait pas hurlé de douleur. Le rav répondit que le jeune homme aurait certainement été très gêné de lui avoir fait mal ; rav Moché se contint et garda le silence. Cette histoire est connue, mais elle mérité réflexion ; rav Moché personnifiait cette aptitude à négliger ses sentiments pour éviter la peine de son frère juif. Ce n’est pas seulement dans les moments difficiles que nous devons nous focaliser sur les autres. Le rav Aharon Kotler zatsal et son fils, le rav Shnéor zatsal allèrent dire au revoir au rav Isser Zalman Meltser (le beau-père de rav Aharon) avant de quitter Erets Israël pour le mariage de rav Shnéor. Le rav Isser Zalman s’arrêta au milieu des escaliers en les raccompagnant, sans les escorter jusqu’à l’extérieur de la maison. Ils lui en demandèrent la raison et il expliqua : « Plusieurs de mes voisins ont des petits-enfants qui furent tués par les nazis, yima’h chemam (que leur nom soit effacé). Comment puis-je sortir et enlacer mon petit-fils, affichant ma joie en public, alors que ces gens ne peuvent en faire autant ?! » Ces démonstrations exceptionnelles d’altruisme peuvent être source d’inspiration pour nous. Souvent, nous pouvons dominer notre égocentrisme et prendre conscience de ce dont l’autre a besoin. Lorsque nous marchons dans la rue, nous avons tendance à être plongés dans nos pensées, mais il vaudrait la peine de prêter attention aux personnes qui nous entourent – il se peut que quelqu’un porte une lourde charge et aimerait bien qu’on lui prête main-forte . Quelques fois, sans raison particulière, nous restons focalisés sur notre petit monde. Par exemple, il arrive que celui qui fait la hagbaa (levée du séfer Thora) du Chabbat matin reste assis et porte le séfer Torah, sans ‘houmach en mains pour suivre la haftara (texte que l’on lit après la lecture de la Thora). Bien que les fidèles soient occupés à suivre la haftara, le fait de lui tendre un ‘houmach serait une marque d’attention appréciée. À Torah VaDaat, il arrivait qu’il manque des chaises dans la salle et les ba’hourim (jeunes hommes) devaient donc prendre des chaises d’une autre pièce. Le rav Shraga Feivel Mendelowitz zatsal disait qu’un jeune homme qui n’apportait qu’une seule chaise pour lui-même n’était qu’un simple porteur, tandis que celui qui en apportait deux, l’une pour lui-même et l’autre pour son ami, était un baal ‘hessed . Plusieurs actes de prévenance peuvent illuminer la vie d’une personne. Nous apprenons de Yossef que nous ne pouvons jamais savoir quelles seront les conséquences d’un bienfait. Le Alter de Slabodka zatsal disait que l’on ne peut également jamais savoir quel salaire nous allons recevoir pour un petit acte de ‘hessed. Il évoque l’incident lors duquel Yaacov Avinou enleva la pierre du puits afin que tout le monde puisse en boire l’eau. Cette petite sollicitude ne semble pas vraiment compter parmi les nombreuses mitsvot que Yaacov accomplit au cours de sa vie. Pourtant, elle est un grand mérite pour le peuple juif. Chaque année, nous récitons une prière spéciale pour la pluie – tefilat haguechem. Dans cette tefila, nous rapportons certaines actions vertueuses des patriarches, telles que la victoire de Yaacov sur l’ange d’Essav. Or, nous mentionnons également le fait que Yaacov retira cette pierre : « Il [Yaacov] se dévoua et fit rouler la pierre de l’ouverture du puits – en sa faveur, ne retiens pas l’eau. » Chaque bienfait accompli avec un cœur sincère a une valeur inestimable. Puissions-nous tous apprendre de nos Avot (patriarches) et être de véritables donneurs.

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